"L'évidence est une violence." (Barthes)
C'était un snob, le premier que j'ai détecté - je l'ai abandonné pour lire Proust, et l'ai retrouvé au bout d'un millier de pages, au milieu de l'été. J'étais ravie qu'il ait finalement servi à quelque chose de vraiment important qui n'ait pas été de l'ordre de la déconstruction.
La vérité, c'est que cet homme qu'il fallait mépriser - parce qu'il concentrait toute l'originalité dont il voulait faire montre dans ses chaussettes, colorées, et que, très évidemment, ces chaussettes demi-visibles sous le costume sur-mesure lui semblaient être un signe et une preuve suffisants de son propre anti-conformisme, si ce n'est de son humanité, ah, quelle humanité !, mais s'il avait une particularité dans le monde de la prépa, c'était son infinie mesquinerie -, et que je méprisais effectivement, a dit des choses importantes. Peut-être n'a-t-il pas fait exprès. Après m'avoir enterrée sous la honte des millénaires de culture que je n'avais visiblement pas, mais qu'absurdement j'eus du avoir, il m'a réexpliqué la notion de sublime, dont je ne connaissais rien et dont j'avais pourtant trouvé le cran de parler à tort et à travers pendant vingt minutes, avec ma voix grotesque devant lui. Longin, disait-il, maximum de sens dans un minimum d'effets, fiat lux. Et puis :
"Je ne tiens plus ensemble."
(Duras agonisante dans C'est tout - acheté l'année suivante, reçu en tremblant, lu dans l'effroi)
"- Pourquoi écrivez-vous?
- Bon qu'à ça."
(Beckett répondant à une enquête.)
Bon qu'à ça, bon qu'à ça. As it used to be, show must go on !