Luxes
Il y a :
Huit sachets de pigments : blanc, noir de vigne, bleu de prusse, terre de sienne verte, terre de sienne, terre de sienne brûlée, jaune de mars doré et rouge cadmium foncé. J'achèterai, aujourd'hui peut-être, de l'huile de lin de mauvaise qualité, c'est égal, des pots et du carton fort.
Un bocal de tomates séchées et un de poivrons blancs, un pot de piment d'espelette en poudre et un de confiture de framboise, des pêches plates confites maison, un pot de compote de pomme acide au thé et au calva, un morceau d'Appenzell, une bouteille de rhum de l'île Maurice, une, douteuse, de pinot gris grains nobles 1991, et une, extraordinaire et tuilée, de Banyuls hors d'âge.
Un chat très vivant, blanc, gris foncé, rose et vert doré, un tapis ivoire, cramoisi et céladon, des pulls doux, étrangers et un peu trop larges sur lesquels le Chat et moi dormons, et du velours.
Un coin de table bien rencogné par la bibliothèque claire, où il entre tout juste le fauteuil gris-vert qui perd son accoudoir droit lorsque je m'y assois en tailleur, et d'où l'on voit un arbre aux feuilles arrondies, solides et luisantes, un réverbère en fer forgé et une façade à quatre étages bien échelonnés, blanche, aux volets d'un brun rosé.
Du linge et des draps propres, et un lourd peignoir blanc à capuche.
Ma gueule, déjà, des matins d'hiver.
Un médaillon ovale en ambre, bombé et joliment cerclé d'argent. On y distingue non pas un insecte, comme je l'aurais voulu peut-être, mais des bulles et quelques minuscules bris végétaux. Cette chose-là est un luxe de sens, surtout montée sur la chaîne un peu grossière que je traîne par intermittences depuis les débuts de R., et surtout remplaçant sur elle un premier pendentif en résine claire pailletée de vert bleuté, un deuxième en obsidienne, et le troisième, celui de fin mars, du lapis-lazuli, ovales tous trois, eux aussi.
Puis il y a à écrire.
