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C'est une légère déclivité circulaire d'un petit centimètre de diamètre, plus foncée que la peau, un peu en dessous des clavicules, bien centrée, et qui est – tu me l'auras demandé comme cent autres, et tu l'auras touchée peut-être, sous prétexte de me montrer l'endroit – une marque de naissance. Ici encore, j'ai longtemps cru tenir cette marque de ma mère, qui en a une presque semblable, avant de comprendre que la sienne était le résultat d'une trachéotomie. Ce détail singulier est le point de bascule : ce que, de mon apparence, je subis, ce qui se fait dans mon corps sans ma décision, est bien à moi tout de même. V. m'a dit, avec toute sa force, que cette marque ne pouvait pas être autre chose qu'une peinture de guerre : comme si des doigts trempés dans l'ocre rouge avaient posé là, avec une résolution absolue, le signe bénissant la combativité.

Il est rare que je te voie prendre les marques comme des symboles. A V., qui, comme tu le vois, n'a pas hésité, cette fois-ci, à me prendre à bras-le-corps, je dressais la liste des contusions après les entraînements de judo ; F. et moi nous sommes réciproquement venus assister alors que nous nous faisions tatouer ; mes camarades de judo m'ont vue mille fois faire avec la douleur, blanchir, crier, boiter, bander les foulures et les ampoules, calmer et masquer ; j'ai proposé deux fois à quelqu'un de me tatouer à l'aiguille ; M. porte sur sa main un coup de cutter du jour où elle arrangeait sur une feuille Canson, pour moi, il y a quatre ans, « Sirène Anémone » ; Q. a montré fièrement à H. la brûlure de cigarette ; C. reconnaissait ma main, sur les photographies où nous entrelacions nos doigts, au grain de beauté sur mon poignet gauche ; ma mère, quand je boite, a intégré le fait que ce n'était pas à cause d'un temps humide. C'est sans doute la liste exhaustive des rares pénétrations dans l'espace intime du sens.