10. Par le lieu
J'ai deux rêves récurrents : dans le premier, le Chat sort et se perd à l'extérieur, où le danger de mort est pour lui imminent ; c'est un chat d'appartement, inadapté à presque tout, il a même peur de la texture de l'herbe sous lui. Dans mon immense panique pour lui, à quoi s'ajoute une insensée culpabilité, je le vois au loin et voudrais le sauver, le ramener là où il est en sécurité. Le deuxième rêve est celui de l'intrusion : quelqu'un pénètre chez moi – quelqu'un pénètre chez moi comme si c'était chez lui.
A. parlait de l'absence de limites données à soi et au corps dans certains cas de démence : un patient parlait de son appétit comme d'un objet ou d'une personne, disant l'avoir retrouvé, sans que, pour lui, cela implique qu'il avait eu faim. Impossible de savoir comment décrire l'appétit ainsi détaché de son sens et de soi. De cela, je retiens la propension à conglomérer, dans l'identité propre, des choses extérieures qui distendent l'enveloppe du corps ; la limite de la peau n'est pas la limite de moi, d'où l'étouffement dans la promiscuité ou le sentiment de danger si je te connais peu et que tu t'avances trop près dans l'espace qui m'environne physiquement.
Les angoisses du chez-moi dans le cauchemar le disent assez : l'appartement est une extension de moi, les murs une deuxième peau, l'appartement un autre espace intime, un véritable intérieur qui n'est pas autre chose que le mien, celui où les organes se serrent les uns contre les autres dans la vapeur de la psyché.
J'ai fait à trois reprises, ici, des frises sur le mur avec des cartes postales et des photographies. Horizontalement disposées en suites cohérentes, elles restent aussi indéchiffrées individuellement que prises dans leur ensemble.
Mars 2012, pour le deuxième changement de frise.