Rêvé comme une souche
Précédemment, dans un petit chateau, j'ai dû écrire, sur un polycopié d'aspect on ne peut plus scolaire, le scénario d'un film. Je prenais l'épreuve très au sérieux, tout en sachant que je n'avais aucune chance de m'en sortir honorablement ; je ne maîtrisais aucun code du genre ni ne parvenais, même, à me concentrer sur le sujet imposé : une femme suivie en voiture pour tel motif précis - mon histoire à moi était aquatique, non imaginaire mais inspirée du début confus du même rêve, et, involontairement, je m'arrêtais au milieu d'une péripétie et rendais une copie incomplète. En réévaluant mon travail ensuite, je m'attendais à une des notes les plus basses que j'aie jamais pu voir figurer à côté de mon nom.
Dans la maison blanche et rose de l'enfance, la sorte de colonie de vacances dont je fais partie se prépare pour la nuit. C'est autour de moi un harem tendre : des passions mal éteintes que seule ma fatigue m'interdit d'envenimer encore - mais elle est telle qu'elle joue bien son rôle de calmant homéopathique, je n'ai pas de réel désir. Il n'y a rien de plus réconfortant que ce fantasme qui, pour une fois, est correctement réalisé : lorsque je rêve de mettre en présence mes belles ombres, ordinairement, la tension est trop forte et elles sont trop facilement hostiles et critiques. La Tête, dans mon sommeil, me fabrique un pansement, transforme la couette en une bande de tissu stérile qui me momifie avec une grande douceur. Je suis l'intersection de tant d'amours, et ma seule présence elle aussi amoureuse vous comble tous.
Je vous présente, et à Q., R., qui porte un manteau blanc. Il a un air de P.-M. D. pour l'unique raison que Q. les associe spontanément.
C'est le soir. Je dormirai, étrangement, à deux endroits à la fois : en face de C., comme dans cette auberge de jeunesse allemande où nos deux petits lits étaient adjacents dans la longueur, et contre G., comme la nuit précédente. C'est une chaleur chaste de pardon, une cohabitation précaire mais si douce. Auprès de C., je suis torse nu ; je vois R. qui sort dans la cour, pour fumer sans doute, et veux le rejoindre ; j'empreinte un T-shirt à C. et le suis. Il y a, devant l'entrée, de petits groupes un peu mauvais genre, comme devant un lycée, et je parle à M. Je ne vois ni la tache blanche du manteau de R., ni sa silhouette.