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Brave Lélian

Je ne crois toujours pas aux regards – qui ne sont pas en eux-mêmes éloquents – qui ne sont que des reflets commandés par l’œil les croyant surprendre. Je crois au langage du corps, je crois aux expressions multiples. Je ne crois toujours pas à la voix, même pouvant l'aimer l'entendre, je ne crois toujours pas qu'elle révèle, elle est comme ce corps que nous reconnaissons à peine être nôtre, je le sais craignant la mienne. Je crois aux inflexions parfois. Pas de regards pas de voix. De l'autre, rien que ces deux frontières : ce que l'on dit et ce que l'on montre – et de cela, ce que l'on dit ce que l'on montre, rien que ce qui parle ma langue : peut-être celle du désir entier, de la chair fraîchement apprêtée pour l'autre, de la mise à nu pour le rapt possible, même non advenu – et ainsi je crois au meilleur, à l'absolue momentanée franchise, au compagnonnage, à la mise en commun des forces, à la vraie vie.

Je crois je crois à ta langue si elle me touche et j'y crois tout entière.

 

« J'ai quelque chose à dire à Paule. »

 

Je crois immensément à la bouche même lorsqu'elle est hors jeu.

 

 

Et tu le sens si tu me vois rire, « tu », et j'ai l'impression parfois que je révèle un langage que tu avais oublié, tu es tant à me dire que je te laisse du champ, tant à reconnaître que je te laisse libre, je ne crois plus que je t'emprisonne dans cette parole la mienne, même non dite restée au silence,

je veux croire que je ne suis pas silencieuse,

je veux croire que je sais parler et que tu comprends au-delà du peu que j'exprime.

 

 

On exprime aussi les agrumes ; ainsi ferai-je sortir de qui me sent proche tout ce qui lui monte, tout ce qu'il ne dit pas, tout ce qui poigne, et à cette seconde la nuit est indigo du matin qui point comme me point la parole, et je crois à la pression de la lèvre, de la paume, du pauvre mot.

 

 

 

Pauvre Lélian s'en va-t-en guerre tout doux

Brave marin revient de guerre tout doux

 

Je pleure parce que je ne savais pas, enfant, ce que j'écoutais, et que je n'en reviendrais pas, et que les étés sous les boules de neige ne passeraient pas, et que « monsieur vous ressemblez à lui » c'est quelque chose comme Duras, et que je boirais et pleurerais « pour des choses bien plus graves », et que je ne passerais pas moi-même.  



28/04/2013
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