p-b

p-b

Lectures


_

Pendant que d'autres publient ou travaillent, j'ai passé trois années de voyage à oublier au contraire tout ce que j'avais appris par la tête. Cette désinstruction fut lente et difficile ; elle me fut plus utile que toutes les instructions imposées par les hommes, et vraiment le commencement d'une éducation.
Tu ne sauras jamais les efforts qu'il nous a fallu faire pour nous intéresser à la vie ; mais maintenant qu'elle nous intéresse, ce sera comme toute chose - passionnément.
Gide, Les Nourritures terrestres

 

 J'avais commencé ce même livre il y a quatre ans, dans le train qui m'évadait de Lyon vers Strasbourg - un compartiment à travers la nuit, juste avant l'automne. Après quelques pages, je l'avais refermé sur mes genoux, persuadée tout à coup que cette lecture était incompatible avec la classe préparatoire : j'ai laissé sa chance à la Russie. 

C'est peut-être de ce moment-ci que j'ai vraiment compris ce que pouvait être une mauvaise direction. 

 

Et non, je ne veux pas sortir de la jeunesse ; mais j'ai plus d'espoir que toi quant à sa continuation possible. 

Je lis donc enfin les Nourritures, et j'essaie d'y voir plus clair, et de cerner mes exigences. 


07/12/2013
0 Poster un commentaire

"Maintenant que nous avons eu tous bien peur..."

[...]
CHARLES, gémit
Mais je vous dis que j'ai peur de tout !
JEANNE, se rapproche
Je vais t'apprendre, Charles. Je vais te le donner, mon truc. D'abord -- ne le répète à personne surtout -- moi aussi, j'ai peur de tout. Tu sais pourquoi il n'a peur de rien, Monsieur de la Trémouille ?
CHARLES
Parce qu'il est fort. 
JEANNE
Non. Parce qu'il est bête. Parce qu'il n'imagine jamais rien. Les sangliers non plus n'ont jamais peur, ni les taureaux. Pour moi, cela a été encore plus compliqué que pour toi de refaire ton royaume, de venir ici. Il a fallu que j'explique à mon père qui m'a battue, et qui a cru que je voulais devenir une ribaude à la traîne des soldats, et toute proportion gardée, il cogne encore plus dur que les Anglais, tu sais, mon père ! Il a fallu que je fasse pleurer ma mère, et cela aussi paraissait insurmontable, que je convainque le gros Beaudricourt qui criait tant qu'il pouvait et qui était plein de mauvaises pensées... Tu crois que je n'ai pas eu peur ? J'ai eu peur tout le temps. 
CHARLES
Et comment as-tu fait ?
JEANNE
Comme si je n'avais pas peur. Ce n'est pas plus difficile que cela, Charles. Tu n'as qu'à essayer une fois. Tu dis : "Bon, j'ai peur. Mais c'est mon affaire, ça ne regarde personne. Continuons." Et tu continues. Et si tu vois quelque chose qui te paraît insurmontable, devant toi...
CHARLES
La Trémouille en train de gueuler...
JEANNE
Si tu veux. Ou les Anglais bien solides devant Orléans dans leurs bonnes grosses bastilles. Tu dis : "Bon, ils sont plus nombreux, ils ont de gros murs, des canons, de grosses réserves de flèches, ils sont toujours les plus forts. Soit. J'ai peur. Un bon coup. Là. Voilà. Maintenant que j'ai eu bien peur, allons-y !" Et les autres sont si étonnés que tu n'aies pas peur que, du coup, ils se mettent à avoir peur, eux, et tu passes ! Tu passes, parce que comme tu es le plus intelligent, que tu as plus d'imagination, toi, tu as eu peur avant. Voilà tout le secret. 
[...]
CHARLES, après un silence
Tu crois qu'on l'essaie, ton truc. 
JEANNE
Bien sûr qu'on l'essaie. Il faut toujours essayer. 
CHARLES, effrayé soudain de son audace
Demain, que j'aie le temps de me préparer...
JEANNE
Non, tout de suite. Tu es fin prêt. 
CHARLES
On appelle l'Archevêque et La Trémouille et on leur dit que je te confie le commandement de l'armée pour voir leur tête ?
JEANNE
On les appelle. 
CHARLES
J'ai peur, je crève de peur en ce moment. 
JEANNE
Alors, le plus dur est fait. Ce qu'il ne faut pas, c'est qu'il te reste de la peur quand ils seront là. Tu as bien peur, tant que tu peux ?
CHARLES, qui se tient le ventre. 
Je te crois. 
JEANNE
Alors ça va. Tu as une énorme avance sur eux. Quand eux, ils vont se mettre à avoir peur, toi tu auras déjà fini. Le tout, c'est d'avoir peur le premier, et avant la bataille. Tu vas voir. Je les appelle. 
Elle va appeler au fond :
Monseigneur l'Archevêque, Monsieur de la Trémouille ! Monseigneur le Dauphin désire vous parler. 
CHARLES, crie, piétinant sur place, pris de panique
Ah ! ce que j'ai peur ! Ah ! ce que j'ai peur !
JEANNE
Vas-y, Charles, de toutes tes forces !
CHARLES, qui claque des dents
Je ne peux pas plus fort !
JEANNE
Alors, c'est gagné. Dieu te regarde, Il sourit et Il se dit : "Tout de même, ce petit Charles, il a peur et il les appelle." Dans huit jours, nous tenons Orléans, fiston !
Entrent l'Archevêque et La Trémouille, surpris. 
L’ARCHEVÊQUE
Vous nous avez fait appeler, Altesse ?
CHARLES, soudain, après un dernier regard à Jeanne
Oui. J'ai pris une décision, Monseigneur. Une décision qui vous concerne aussi, Monsieur de La Trémouille. Je donne le commandement de mon armée royale à la Pucelle ici présente. 
Il se met à crier soudain :
Si vous n'êtes pas d'accord, Monsieur de La Trémouille, je vous prie de me rendre votre épée. Vous êtes arrêté !
La Trémouille et l'Archevêque s'arrêtent, pétrifiés. 
JEANNE, battant des mains. 
Bravo, petit Charles ! Tu vois comme c'était simple ! Regarde leurs têtes !... Non, mais regarde leurs têtes !... Ils meurent de peur !
Elle éclate de rire, Charles est pris de fou-rire aussi, ils se tapent sur les cuisses tous deux, ne pouvant plus s'arrêter, devant l'Archevêque et la Trémouille changés en statue de sel. 
JEANNE, tombe soudain à genoux, criant. 
Merci, mon Dieu !
CHARLES, leur crie, s'agenouillant aussi
A genoux, monsieur de la Trémouille, à genoux ! Et vous, Archevêque, donnez-nous votre bénédiction, et plus vite que ça ! Nous n'avons plus une minute à perdre !... Maintenant que nous avons eu tous bien peur, il faut que nous filions à Orléans !
La Trémouille s'est agenouillé, abruti, sous le coup. L'Archevêque, ahuri, leur donne machinalement sa bénédiction. 
WARWICK, éclate de rire au fond et s'avance vers Cauchon
Evidemment, dans la réalité ça ne s'est pas passé comme ça. [...]
 

Jean Anouilh, l'Alouette


27/11/2013
0 Poster un commentaire

N'empêche.

 

Les cris s'écoutent, Tigre. 


21/11/2013
0 Poster un commentaire

_

"Prince et princesse, allez, élus,
En triomphe par la route où je
trime d'ornières en talus.
Mais moi je vois la vie en rouge."
- Verlaine -

30/09/2013
0 Poster un commentaire

Collection

Soulignage spontané

dans La Vie mode d'emploi 

Sans commentaires  ni ordre

Etat au 05.07.13 20h : p. 136

 

 

«  Maintenant, dans le petit salon, il reste ce qu'il reste quand il ne reste plus rien [...] »

«  […] les enfants qui jouaient au sable »

« […] Il entreprit de lui apprendre ce qu'il savait faire. Cela dura quelques années car il savait tout faire. »

« Ce jour-là Valène demanda à Winckler comment il était venu à Paris et comment

il avait rencontré Bartlebooth. Mais Winckler lui répondit seulement que c'était parce

qu'il était jeune. »

« Un chêne et deux tilleuls furent, comme il se doit, plantés près de la tombe. »

« [une bibliothèque] de style vaguement chinois, c'est-à-dire [...] »

« une sorte de vilebrequin horriblement compliqué n'étant sans doute qu'un tire-bouchon perfectionné »

« Les voyages de Bartlebooth, et subséquemment de Smautf [...] »

« L'histoire des Gratiolet commence à peu près comme l'histoire du marquis de

Carabas mais se termine beaucoup moins bien : ni ceux qui eurent presque tout,

ni ceux qui n'eurent presque rien ne réussirent. »

« La méfiance et la passion sont les deux caractères des amateurs d'unica. »

« des bouquets de clinquant »

« culbuteur à soupape »

« des amoncellements d'arbres rouges »

« des cuirassés éventrés réparés dans la nuit par des milliers de chalumeaux »

« […] un aloyau, […] une tarte aux compotes […] »

« […] ponceuse orbitale, ponceuse à surfaçage lapidaire […] »

« […] un tapis de corde d'une texture extrêmement serrée »

« […] une recette de pâtes pectorales à base de gingembre »

« bassiner son lit avant de se coucher »

« le fauteuil à oreilles » 


05/07/2013
1 Poster un commentaire


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser