"tout ça"
14.07.13
("Tout ça" : résister, cette fois, à l'envie de tout englober en deux syllabes, à la désinvolture devant cette petite magie, à la pusillanimité au moment de formuler. Il va falloir en revenir aux mots, batailler avec les choses et le langage, vouloir vraiment cette fidélité du mot aux prises avec les événements.)
C'est cette cigarette très droite, très blanche, parfaitement conique, que tu roules devant le quai de la gare, et le léger tremblement des mains qu'elle ne dit pas. C'est ce mouvement vif et inconscient du buste, que tu penches en avant, un peu, dans le vide devant toi, les mains dans les poches, sans savoir qu'à cause de lui on peut te dire gracieux, et que je n'avais pas oublié. C'est aussi la belle trouvaille d'aller fumer dehors, en passant par la fenêtre, à six heures du matin, à la fin du clair de lune. C'est ton visage que j'avais trop épuré, qui a forci à mesure que je finissais de l'oublier, et l'idée de me le cacher qui ne t'a pas effleuré l'esprit, de sorte que je le retrouve, moins beau, mieux aimé. C'est un pari vieux de sept ans que je peux perdre parce qu'il est bien devenu un jeu. C'est cette légère discordance de ta voix et tes quelques cheveux blancs dont je ne pouvais pas, jusque là, savoir où ils te viennent.
C'est aussi ce que je fais, de retour à la solitude : être heureuse d'avoir oublié mes filtres sur la table basse pour rouler si mal les minces cigarettes qui ont fait ma journée, rire que ce soit banal - d'une banalité telle que ce qui fait le mythe là-dedans, c'est la simplicité démesurée dans chaque détail -, dire des tendresses au Chat, être chat moi-même.
(J'apprends par la déconstruction du savoir - "Il faut brûler tous les livres, Nathanaël". Réintégrer là-dedans la certitude ?)