"Moi, la poésie... je couche avec !"
18.03.13
Intertexte : Uranus, de Marcel Aymé,
mise en scène par Claude Berri.
Catégorie : Facilités nocturnes
On ne s'y était pas trompés : Léopold, c'est nous.
Depardieu ! Depardieu, c'est Léopold ! Marcel Aymé invente qu'en 1945, Léopold, ancien lutteur de foire, tenancier de café, pleure en écoutant la classe qui se tient dans son établissement, l'école ayant été bombardée – il n'a guère de cœur avec sa femme, mais si sa femme avait été Andromaque, veuve d'Hector, ah oui ! il lui aurait pardonné ces vingt ans pendant lesquelles ses cuisses ont si déplorablement maigri. (Ma fumée pour ton visage endormi.) Parlons-en, de Léopold ! Qui sait par quel miracle – aujourd'hui non plus historique, mais tout aussi conjoncturel et hasardeux – nous en sommes venus à notre Andromaque. Mais nous inventons des vers ! Ô premier alexandrin ! Ça sort de vous, ça oui ! (Je vois le reflet de ta main sur mon col dans la vitre.) « Je m'envole en fumée comme une cigarette» – que n'ai-je eu un espoir assez grand pour écrire : « Passez-moi Astyanax, on va filer en douce / Attendons pas d'avoir les poulets à nos trousses ! » Léopold, c'est nous, qui devions devenir des tenanciers de bar, le deviendrons sans doute peu ou prou quand même, mais sommes tombés sur Andromaque, et tant pis. Beugler dans un porte-voix de toute notre poitrine de stentor de quarante ans ! Préférer le blanc à la poésie, mais s'émouvoir moins de boire que d'écrire ! Ô le vers qui nous est sorti ! Et c'est ridicule !
Et on en écrira, et on en fera, des Andromaque ! Et tant pis ! C'est pas dans le sang, bien sûr que non, c'est dans la chair ! (Carte postale de la courbe de ta paupière.) Et l'Histoire sans doute ne daignera pas nous fusiller pour si peu. Que va-t-il falloir inventer pour qu'on nous oublie poètes ! Devenir tenanciers de bar, sans doute, c'est une bonne idée, et rêver d'anachroniques sauvetages. « Je suis poète » ! Oh, et tant pis. « A l'heure qu'il est, les poètes... » (cf GF)
Avecque les satyres et puis les assassins,
nous fraierons aussi bien qu'avec celui qui dort,
et ferons notre miel de la veuve d'Hector.
Nous aurons nos soleils et l'abeille en essaims.
