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Cartographie

02.04.13

"Permission sous nos semelles"

(Verlaine)

 

C'est un bon moment pour les palimpsestes. Celui que je suis, je m'en rends compte avec ma recension des marques sur la peau, joue le jeu du vertige. Personne ne sent pourtant, et moi non plus, que l'on en vient au printemps ; le début des saisons m'est toujours pénible, pour cette raison précisément que tout s'y superpose tout à coup visiblement. Les changements de saison font des coupes verticales dans le temps, on y voit tout à coup les strates. Ce jour-là j'étais triste de cette jupe d'automne, il tournait en rond place Kléber. Cet autre jour je m'étais perdue à cet endroit-ci et les beaux jours faisaient semblant d'arriver, c'était une réponse suffisamment cruelle. (L'ivresse peut aussi.) Les événements ne glacent pas le cycle, ils s'y accrochent comme de la bardane sur du tissu, et je les porte comme un secret jusqu'au moment de tous les y apercevoir.

Le palimpseste demande à ce que je sois perméable, et me voilà écarquillée ; je peux marcher seule, être seule quand je suis accompagnée, et voir les surimpressions. Je fais encore ce geste enfantin de sourire dans le vide vers l'endroit où, demain, je me regarderai ; j'ai arrêté de cacher derrière les meubles des lettres pour plus tard, adressées à moi-même. Je n'ai pas fait exprès de recouvrir la ville. Ici, des serments sous un parapluie, et Strasbourg m'était neuve ; ici encore, la fatigue affamée à tel bras – là, ces cigarettes qu'il tolérait à peine, et j'ai fait toutes ces choses, attendre, chanter, crier, marcher la ligne courbe, désirer, écrire que je désirais et donner la lettre, pleurer tel ou telle ou rien, compter mes pas ou les fenêtres encore éclairées pour rentrer plus vite, je les ai faites dans un endroit où je peux revenir pour regarder le film de mon propre passage.

 

Il y a eu, bref, le moment de la conquête de la ville, avec F. ; nous étions riches, nous foulions toutes les surfaces du sol, et à cet endroit-ci il a fait quelques centaines de mètres les pieds nus, lui aussi, et les miens étaient vierges encore. Il n'y a que cela dont la formulation soit possible.

Je sais bien, et c'est difficile, qu'on ne me rendra pas Lyon, et R., appelé pour qu'elle m'embrasse encore au lieu de m'être au bord des lèvres, n'y pourra jamais rien, ni personne sans doute.

Je trace des ombres en trois dimensions, je prends Strasbourg, je m'y trempe et je cartographie la terre d'accueil – c'est comme cela, comme avec le Chat, donnant pour donnant : le sauvetage est mutuel.

 

 

Ivre, en janvier :

les lieux sont ton ressouvenir celui

de ton désir la carte de ton désir

c'est ma ville ton désir m'attend

à tous les carrefours j'ai une mémoire de toi

endormie dans les lieux

tant et si bien qu'il est injuste

que ton nom

ne soit écrit nulle part

je te vois tant l'eau de moi possiblement

sur ton ventre ma dent à

ta nuque je te vois tant

que la ville se dépossède de ne te reconnaître pas

de ne laisser la mémoire du désir

qu'en moi

03.04.13

Note : réfléchir à nouveau aux pas perdus



02/04/2013
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