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De la facilité

A plusieurs : « [...] je n'ai pas un corps facile [...] »
 
Paule perpétuelle : « Suis-moi – et je suis massive,
pesante et rigide, concentrée en moi-même pour
que tu m'arrives, peut-être. Car je suis si facile qu'il
me faut trouver une manière de  t'éprouver, toi que
peut-être je désire. »
- Décembre 2012 -

 

IMG_0558.JPG

 

Q.V.,  11.08.13

J'ai envie d'avoir plus souvent - je l'ai ce soir, la fatigue aidant - le visage de cette photographie, l'air de gouaille sérieuse du capitaine rendu au large, et surtout l'imperfection de la peau et du corps, que l'on devine lourd à cause du menton qui ne fait pas, avec le cou, un angle très honnête. Je veux que l'on devine, à mon aspect, qu'il faut, pour que je sois aimable, un renoncement au lisse, à la beauté d'ordinaire. Puisque non, on ne peut plus m'aimer pour mes yeux seulement.

Mon corps apparu maintenant est celui qui me faisait dire, il y a un an de cela : je veux que l'on me cherche vraiment, puisque je suis trop facile, que je me donne trop entièrement et trop vite, parce que, simplement, te désirer m'intéresse. Et certes pour le vouloir comme je le souhaite il faut avoir fait son choix, sortir de son habitude, puisqu'il est aussi pesant d'apparence qu'il est pesant pour moi, avec ses lois propres et ses erreurs imprescriptibles et maintenues.

J'ai à nouveau un corps signe, devant lequel, d'abord, l'on est aussi rétif que je le suis, moi, profondément, lorsqu'il s'agit d'amour. Il a déjà eu cet aspect et me faisait peur alors ; il est redevenu celui-ci, le même selon toute logique, immaîtrisable, mais il m'arrive au moment où je peux l'habiter avec toute ma volonté de sens, et parce que c'est celui qui me dit le mieux le voilà harmonieux, vaste enfin aux endroits qui me coupent le souffle chez les femmes, plein – plein. Il fallait qu'il me ressemble tant pour qu'il ait cet équilibre insensé, il fallait qu'il soit vrai. Et c'est bien pour une autre raison qu'on le demande, et qu'alors on le trouve ; et on le demande, et on l'obtient, quand on nous connaît seulement, preuve qu'il est lisible.

Et, là-dessus, ce visage lui aussi malaisé.

Me désirer, c'est passer la douane. Je ne refuse rien à la nature ; qu'au moins, en traversant la frontière, les yeux fixés sur cette allégorie de moi-même que je me trouve être, tu me prouves valoir ma peine. Si tu ne pressens pas dans le corps ce qu'il peut devenir, nu et affolé, à vif, si tu n'es pas capable du corps que je donne, je suis du moins certaine que tu ne le prendras pas. Je n'ai pas besoin que tu le veuilles assez fort pour le prendre, qu'au moins tu ne puisses pas le faire à moitié. Et si, ça y est, te voilà au seuil, au seuil du geste pour me dire le désir à quoi je ne résisterai pas, alors tu ne peux pas douter que j'aie d'autres pénibilités que celle que tu franchis maintenant.

 

 

Je m'avise à l'instant, devant le miroir de la salle de bain, de ce que les yeux que je traîne depuis la photographie du capitaine sont ceux, non maquillés, accusant un premier fléchissement de la paupière, de ceux qui alourdissent l’œil passé trente ans.  



06/10/2013
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